Au Mali, comment l’alcool coule désormais à flots !

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Dans le Rapport sur la situation mondiale alcool et santé (Global Status Report on Alcohol and Health) en 2014, de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), l’Afrique occupe le 3è rang avec respectivement le Tchad (34 litres par buveur), la Gambie (29 litres par personne) et le Mali, avec une consommation moyenne de 22 litres par buveur. Ce qui laisse comprendre que la consommation d’alcool est en constante augmentation en Afrique. Le constat alarmant, ces trois dernières années, est l’entrée dans la danse de la jeunesse. Sur 10 jeunes qui fréquentent régulièrement les lieux de loisirs (bars, boîtes de nuit ou autres), au moins 8 consomment de l’alcool, selon Global Status Report on Alcohol and Health. A la découverte de la situation au Mali.

L’OMS, dans son rapport (la dernière édition du  « Global Status Report on Alcohol and Health, 2014 »), a fait observer que la consommation d’ alcool est stable depuis le début des années 1990 dans les pays riches, mais qu’elle augmente fortement dans les pays en voie de développement.

L’OMS s’inquiète précisément de l’augmentation de la consommation chez les jeunes en général. En effet, dans les pays de la sous-région et plus particulièrement au Mali, pays à 90% musulman, selon l’enquête démographique et de santé, EDS en 2010, le phénomène de la consommation d’alcool par les jeunes est en pleine expansion. Selon Moussa Mady Cissoko de la Direction Nationale du Commerce et de la Concurrence du Mali, le taux d’importation des boissons alcoolisées, est passé de 20% en 2015 à 40% en 2016. A Bamako la capitale malienne,  les lieux de vente d’alcool poussent de plus en plus dans les coins et recoins, avec les prix d’achats à la portée de tous. Avec 250 F CFA (50 centime de Dollars US), le consommateur peut s’offrir une liqueur de 50 ml.

« Il n’y a pas d’activité plus rémunératrice que la vente d’alcool »

Pour en savoir plus sur cette situation inquiétante, nous nous sommes rendus dans un dépôt de boisson alcoolisé situé à Faladiè, un quartier de Bamako. Ce dépôt existe depuis 5 ans selon le propriétaire Paul Koné. Pour lui, les affaires marchent, car l’alcool coule à flot au Mali. Il se frotte la main. « Il n’y a pas d’activité plus rémunératrice que la vente d’alcool ». « Mes boissons me viennent du Burkina et du Bénin, car là-bas c’est moins cher, on revend souvent ici au double du prix d’achat de là-bas. Je vends en détail et en gros », explique-t-il. Paul nous apprend que les boissons les plus vendues sont ceux dont le taux d’alcool est élevé. «  Le VODY 18% d’alcool, Atlas 16% et 12%, Holandia 12%, le 86 8%, la Guinness 7%  et la Castel 7%, sont le plus demandé par les clients en matière de bière », ajoute Paul.

En ce qui concerne les liqueurs, selon Paul, ils sont autant demandés que les bières, « les marques diffères et chacun fait son choix, nous quand même, nous avons presque toutes les marques. Nous vendons aussi les petits sachets de liqueur de 50 ml qui sont à 250 F CFA. Ce sont très souvent des jeunes apprentis de bus transport collectif et les taximen qui les achètent». Paul explique que c’est pendant les weekends qu’il y a plus de vente, « je peux vendre juste qu’à 250 cassiers de chacune de ces bières citées entre samedi soir à dimanche soir. Pour les liqueurs, ce sont les boites de nuit qui en demandent beaucoup, ils peuvent me prendre jusqu’à 10 cartons par liqueurs », dit Paul.

« Moi j’ai 20 ans, et j’ai commencé à prendre l’alcool depuis l’âge de 15 ans. C’est un ami à moi qui m’a conseillé qu’une fois ivre on peut tenir très longtemps lors d’un rapport sexuel, et puisque j’avais un problème d’éjaculation précoce »

Dans certaines Boite de nuit, la place VIP est réservée a ceux qui prennent les bouteilles, c’est-à-dire qu’il faut obligatoirement acheter une bouteille de liqueur pour mériter la place VIP ; or les prix d’achat dans les dépôts sont doublé une fois dans la boite de nuit. Comme exemple, la liqueur Jack Daniel, de 15.000FCFA au dépôt, est vendu à 30.000FCFA sur une table VIP dans la boite de nuit.

 Sexe, suivisme, désir de s’évader… par l’alcool

Certains jeunes prennent l’alcool comme stimulants lors d’actes sexuels pour tenir longtemps, d’autres en prennent juste par suivisme.

« Moi j’ai 20 ans, et j’ai commencé à prendre l’alcool depuis l’âge de 15 ans. C’est un ami à moi qui m’a conseillé qu’une fois ivre on peut tenir très longtemps lors d’un rapport sexuel, et puisque j’avais un problème d’éjaculation précoce, j’ai vite adhéré au conseil de mon ami. Depuis donc, je soigne mon mal avec l’alcool et cela marche bien, je ne peux plus m’en passer », confie Moussa Konaté, un jeune étudiant que nous avons interrogé.

« Moi j’ai commencé à boire, parce que ma petite amie boit, et en sa présence je ne peux me permettre le luxe de prendre une sucrerie, donc j’ai commencé à faire comme elle »

Jérôme Coulibaly, informaticien nous dira « j’ai commencé à prendre l’alcool quand un jour un ami m’a invité à une fête, j’étais le seul qui prenait de la sucrerie et j’ai eu honte devant les amis qui me traitaient de femme, et j’ai du en boire ce jour là. Depuis lors , j’ai continué et aujourd’hui, je ne peux plus m’en passer ».

Le Taximan Abdoul Ky explique : « pour me tenir en éveil très tard dans la nuit surtout les weekends, je renforce mon café-fort avec 5 petits sachets de liqueurs. Cela me met en forme et me permet de ne pas somnoler au volant ».

« je prends de la bière fraiche sur ma grossesse car une copine m’a fait savoir qu’en prenant de la bière fraiche matin, midi et soir, mon enfant aura un teint de métisse, donc depuis mes trois mois de grossesse j’ai commencé à l’appliquer »

« Moi j’ai commencé à boire, parce que ma petite amie boit, et en sa présence je ne peux me permettre le luxe de prendre une sucrerie, donc j’ai commencé à faire comme elle, et nos amis trouvent notre couple stylé, donc pas question d’arrêter », laisse entendre Karim Sissoko.

Même les femmes enceintes s’y mettent. Alimata Dramé, 25 ans, nous raconte : « je prends de la bière fraiche sur ma grossesse car une copine m’a fait savoir qu’en prenant de la bière fraiche matin, midi et soir, mon enfant aura un teint de métisse, donc depuis mes trois mois de grossesse j’ai commencé à l’appliquer »

 Les conséquences sur la santé et dans la société

Le Docteur Généraliste Félix Diakité, nous a rappelé que, selon l’OMS, en 2012, l’usage nocif de l’alcool a été à l’origine de 3,3 millions de décès dans le monde  Non seulement la consommation d’alcool peut entraîner une dépendance, mais elle augmente également le risque de développer plus de 200 maladies, dont la cirrhose du foie et certains cancers. En outre, l’usage nocif de l’alcool peut occasionner des actes de violence et des traumatismes.

A cette triste réalité, selon l’OMS, il faut noter que plus de 90%  de ces boissons sont frelatées et cela est à la base de nombreuses maladies entrainant des décès.

La consommation d’alcool rend aussi plus vulnérable face aux maladies infectieuses comme la tuberculose et la pneumonie. Aussi, note-t-on que, l’alcoolisme favorise la contamination aux maladies sexuellement transmissible (MST) et des infections sexuellement transmissibles (IST), car une fois ivre, le contrôle reste difficile, amenant aux actes sexuels sans précaution. Côté sécurité, « il a été constaté que beaucoup d’accidents de la circulation sont dus à la conduite en état d’ivresse », indique docteur Diakité.

Pour palier ce phénomène, l’OMS indique que les pays doivent agir en prenant l’initiative de politiques nationales de réduction de l’usage nocif de l’alcool; en menant des sensibilisations nationales; en assurant des services de prévention et de traitement, en assurant les soins pour les patients et leurs familles ; tout en renforçant les mécanisme  de contrôle du commerce des liqueurs. Le Mali et les autres pays africains devraient s’en préoccuper.

Lucrèce Kanté

lemalien.com

 

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