Divorce au Mali : « Bonjour monsieur le Maire, bonsoir monsieur le Juge ! »

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 Le divorce a pris beaucoup d’ampleur ces dernières décennies au Mali. A Bamako, la capitale, l’Observatoire des Doits Humains et de la Paix (ODHP) a enregistré plus 200 cas de divorces par semaine dans le cadre d’un projet de recherche sur la rupture du lien matrimonial en Afrique de l’Ouest.

Autrefois considéré comme une union sacrée entre un homme et une femme et l’une des grandes valeurs préservées dans la tradition africaine, le mariage est devenu de nos jours un boubou que tout le monde porte et enlève très facilement une fois fatigué. Et les Maliens ont trouvé un slogan pour illustrer ce phénomène : « Bonjour Monsieur, bonsoir Monsieur le Juge » ; comme si on peut se marier le matin et dès le soir, recourir au divorce. Comme dans la chanson du célèbre couple aveugle Amadou et Mariam, le dimanche est le jour du mariage à Bamako, reste à voir s’ils nous proposerons un titre sur le jour du divorce, car la situation est particulièrement préoccupante.

Quelles sont les causes du taux élevé de divorce ?

Selon Ousman Maiga, juge matrimonial, « le divorce prend autant d’ampleur parce que les filles se marient de nos jours souvent par la pression de la société ou par la contrainte de leur famille. Pour faire la fierté d’une famille, il faut se trouver un mari avant la vingtaine ».  Il poursuit en expliquant  « Le mariage étant essentiellement reposé sur la femme dans notre société, ces jeunes filles pas suffisamment éduquées et préparées auparavant sur les valeurs et principes fondamentaux du mariage ont du mal à tenir ». Certaines se jettent dans des mariages juste parce qu’elles voient que leurs copines du quartier sont mariées et qu’elles veulent faire comme elles.

La famille aussi ne cesse de mettre la pression, comme on entend souvent certains parents dire « Tu veux me mettre la honte dans le quartier ? Tu as déjà plus de 25 ans et tu es toujours sans mari, or ta copine d’à coté a 18 ans et elle s’est déjà trouvé un mari ». Toutes ces contraintes poussent les filles à accepter certains mariages contre leur gré. Les filles se marient donc sous l’influence sans avoir la moindre connaissance de leur partenaire. Une fois mariées, elles ne parviennent plus à supporter les caprices de leur époux ce qui conduit la plupart au divorce.

Pour Maiga, un autre point qui semble important est le matérialisme. Certains parents donnent leur fille en mariage à un monsieur juste pour sa position et sa fortune, on se préoccupe moins du reste, pourvu que la fête du mariage soit grandiose, qu’elle soit du jamais vu au quartier. Et dans ces conditions, quand la situation de l’époux change, c’est parfois les parents qui sont les premiers à pousser la fille au divorce.

Que dit la loi sur le divorce ?

Selon l’article 352 du code de la famille, un époux peut demander le divorce seulement dans les cas suivants : l’adultère d’excès, sévices et injures graves de l’autre, de condamnation  à une peine afflictive et infamante, l’alcoolisme ou  toxicomanie ;  manquement à un engagement substantiel. L’épouse quant à elle peut demander le divorce lorsque le mari refuse de subvenir à ses besoins essentiels : nourriture, logement, habillement et soins médicaux.

Mais pour aller au divorce, les Maliens n’ont pas besoin de trouver des prétextes dans la loi. Plusieurs témoignages concordants avancent que de nos jours, il y a des juges surnommé  2 millions ou 5 millions, parce que quand il s’agit du divorce, il suffit que l’époux soit riche ou la famille de la fille soit nantie pour soudoyer le juge et accélérer la procédure du divorce. On apprend aussi qu’il y a des juges matrimoniaux surnommé «  une semaine » car en une semaine, avec l’argent, il peut prononcer le divorce.

Que faut t-il faire pour prévenir

Selon Madame Traoré Fatouma Cissé, 80 ans, qui vient juste de fêter avec son époux 60 de mariage, il faut revoir l’éducation des filles pour mettre fin à ces divorces tous azimuts. « La jeune fille peut ne pas aimer son mari. Mais quand elle est bien éduquée et préparée sur la réalité d’un mariage ; elle peut consentir des efforts. Ce qui n’est pas le cas de nos jours », fait remarquer Madame Traoré.

« Je n’aimais pas mon mari quand je l’ai épousé. Mais depuis mon enfance, les parents m’ont appris que le mariage ne repose forcement pas sur l’amour mais le pardon, la patience, le respect et la communication. Et surtout que l’avenir de mes enfants dépendra de mon comportement avec mon mari. Aujourd’hui, je suis contente d’avoir relevé le défi », ajoute-t-elle.

A Mme Traoré, on pourra aussi demander à quoi sert un mariage sans amour ? Et pourquoi seule la jeune devra consentir des efforts, et pas l’homme, le mariage étant une alliance entre deux personnes ?

SOURCE : TIA

Concernant L’auteur  : Lucrèce Aminata Kante

Malienne, diplômé en communication pour le développement durable et en journalisme elle a multiplié des stages et travaille actuellement en free-lance à Bamako.

 

 

 

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