Adopté en 2011, le Code des personnes et de la famille contient un article très controversé. Il stipule que la femme doit obéissance à son mari, et le mari protection à sa femme. Ce texte alimente la polémique entre défenseurs des droits des femmes et religieux conservateurs. C’est une incitation aux violences faites aux femmes selon certains et une conformité avec les valeurs sociétales et religieuses du pays selon d’autres. Le débat ne faiblit pas.
« Au Mali, les hommes se croyaient déjà meilleurs que les femmes sur tous les plans et une loi de la République vient les appuyer pour continuer à nous soumettre. Ceci est inadmissible.», Alice Dembélé fulminait ainsi lors d’une table ronde organisée à Bla (Région de Ségou) sur le respect des droits de la femme au Mali. Alice est une actrice débout et active à l’association «Jeunes leaders de Bla» et animatrice-radio dans la localité du même nom. C’était en septembre dernier devant la gendarmerie du cercle de Bla lors de la célébration du 58e anniversaire de l’indépendance du Mali.
Hawa Coulibaly va dans la même direction qu’Alice. Elle est une jeune influente à l’ONG ADICO de Bla. Elle est aussi animatrice d’une émission radiophonique qui s’appelle « Mussow ka Wuly », un nom Bambara qui signifie « Que les femmes se réveillent ! ». Hawa Coulibaly affirme se sentir décourager à chaque fois qu’elle lit ou entend parler de cet article. « Avec mes concitoyennes, je ferais tout pour une meilleure reformulation de cet article », a-laisser entendre la jeune animatrice.
L’indignation des voix féminines par rapport à l’article 331 ne se limite pas qu’aux jeunes femmes de Bla. Les femmes battantes de la région de Ségou et du district de Bamako ne mâchent pas aussi leurs mots.
Selon Maimouna Dionkounda Dembélé, femme influente et défenseuse des droits des femmes à l’Avocat sans frontière de Bamako, l’article 331 est une faiblesse pour les femmes. Il les incite à l’espérance de la protection non pas de la part de Dieu, ni de leurs propres personnes, mais de la part des êtres mortels, leurs époux. « C’est un obstacle pour l’égalité homme-femme. Nous travaillons là-dessus pour la défense de nos droits », a-t-elle ajouté.
Bibata Maiga, présidente régionale du Mouvement des jeunes républicains du Mali à Ségou voit la solution dans le retrait pur et simple de l’article 331. Selon elle, l’article est trop déséquilibré, incitant à la soumission, à l’infériorité et à la faiblesse des femmes vis-à-vis des hommes. « Cela ne sera possible que par des rencontres et des communications sérieuses avec les faiseurs des lois au Mali », a-t-elle ajouté.
Fatoumata Coulibaly est elle aussi vent debout contre l’article 331. Elle déplore la faible vulgarisation du Code des personnes et de la famille. Jeune diplômée sans emplois à l’Université de Ségou, et spécialiste en Communication des organisations, Fatoumata Coulibaly gagne souvent sa vie dans la maitrise des cérémonies. Elle fustige que les députés ne consultent pas leurs mandats avant de voter les lois et ne font pas non plus des restitutions. « On les élit mais ils ne nous consultent pas avant de voter les lois. C’est ma première fois d’entendre parler de cet article. Si la majorité de mes concitoyennes étaient au courant de cet article, ça allait chauffer », s’insurge la jeune dame. Elle s’en prend aussi à la presse, estimant qu’elle traite moins les sujets sensibles au genre.
Aissata Traoré de la Jeune chambre internationale de Bamako est une figure emblématique du projet « Jeunes femmes capables de Bamako ». Aissata a un discours calme et mesuré sur l’article 331. Elle explique avec assurance qu’en tant qu’intellectuelle, elle n’a aucun problème avec l’article. « L’article parle du devoir et non du droit, ni de l’obligation de l’obéissance de la femme à son mari. Je connais mes droits, mes devoirs et mes obligations. Je n’ai aucun problème avec l’article.
Ce à quoi j’appelle mes concitoyennes et toutes les femmes du monde, c’est la recherche du savoir et de la compétence et non les cris au secours et au respect à notre égard. La défensive est la position de faiblesse, la compétence est la position de force », a conclu la jeune intellectuelle.
L’article 331 a ses défenseurs
Ceux-ci pensent qu’il reflète les réalités sociétales du Mali et correspond aux préceptes de la religion musulmane et chrétienne. Boubacar Afiz est de ceux-là. Communicant de formation à l’Université de Ségou, Boubacar Afiz pense que l’article 331 promeut plutôt l’équité entre homme et femme du Mali. Il rejette l’idée de l’égalité, estimant qu’elle consiste à donner une seule et même chose et à l’homme et à la femme. Or, l’équité consiste à donner à chacune et chacun ce dont il ou elle a besoin.
Il explique : « Donner du rouge à lèvre et à l’homme et à la femme s’appelle égalité. Donner des ciseaux à l’homme pour se couper les moustaches et du rouge à lèvre à la femme pour se maquiller s’appelle équité ».
L’article 331 ne consiste guère un préjudice aux droits des femmes, juge de son côté Allaye Ousmane. Maîtrisard en droit publique international à la Faculté des sciences juridiques et politiques de Bamako, Allaye soutient que l’article 331 recommande mais n’oblige pas la femme à l’obéissance envers son mari. « C’est juste une question de compréhension et un reflet pur et simple de la réalité du vivre ensemble de la plupart des maliennes et maliens », souligne-t-il.
Parfaite concordance
Ces propos vont dans le même sens que ceux de monsieur Zoumana Cissé. Président régional de la Ligue islamique des élèves et étudiants du Mali à Ségou, monsieur Cissé rappelle que la femme et l’homme se complètent. Pour lui, il ne saurait y avoir de rivalité encore moins une compétition entre l’homme et la femme. Chacun avec ses spécificités et ses capacités apporte à la complémentarité nécessaire, à la bonne entente dans le couple et au vivre ensemble dans la communauté. « La femme est supérieure à l’homme dans certains domaines et l’homme est supérieurs dans d’autres », souligne le leader religieux.
Selon lui, les africains ne se posent pas des vraies questions sur leurs réalités. « Penser soi par autrui conduit vite à l’échec. Malheureusement, des nombreux africains ont échoué et échouent en se pensant par autrui », analyse monsieur Cissé. Il semble reprocher aux africains de trop copier les réalités des occidentaux et oublient leurs propres réalités.
Zoumana Cissé trouve l’article normal et bien adapté aux réalités des maliennes et maliens. Il fait partie de ceux qui estiment que les textes de lois sur les personnes et la famille doivent refléter les réalités sociétales et respecter les principes religieux. Une idée contraire à la notion de la laïcité pour laquelle le Mali a opté depuis mars 1992, semble-t’il. Une date commémorative de l’avènement de la démocratie au Mali.
Contradiction
L’article 331 est en contradiction avec la Constitution de la République du Mali de 1992 et la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948. Djibril Tangara, professeur de droit à la Faculté des sciences sociales de Ségou confirme cela. Il explique que l’article 2 de la Constitution de la République et l’article 1 de la DUDH ont déclaré prohibé toute discrimination fondée sur le sexe, la race, la religion.
Une victoire religieuse?
Les religieux conservateurs ont semble-t-il eu gain de cause dans l’élaboration du Code des personnes et de la famille du Mali.
Conformité
Des recherche un peu poussées ont montré que l’article 331 est en parfaite conformité avec la sainte Bible et le sain Coran sur le statut de la femme vis-à-vis de son mari. Dans la sainte Bible, on peut lire : « Femmes, soumettez-vous à vos maris comme aux seigneur, car le mari est le chef de la femme comme le Christ est le chef de l’Église qui est son corps et dont il est le sauveur. Mais, tout comme l’Église se soumet au Christ, que les femmes se soumettent à leurs maris » (Éphésiens 5 : 22 – 24).
Le verset 34 du chapitre 04 du Sain Coran s’inscrit dans la même logique que la Sainte Bible. Il dit : «…Les hommes ont une autorité sur les femmes, en raison des faveurs que Dieu accorde à ceux-là sur celles-ci, et aussi à cause des dépenses qu’ils font de leurs biens. Les femmes vertueuses sont obéissantes (à leurs maris), et protègent ce qui doit être protégé pendant l’absence de leurs époux, avec la protection de Dieu.»
Les textes révélés accordent clairement la prééminence à l’homme dans le couple.
Aly Ousmane SARRE